All-Ireland 2018

Les 32 comtés au crible

vendredi 1 juin 2018

Dans la roue de Turlough O Brien (l'entretien)



Turlough O Brien a pris ses fonctions de manager de Carlow en octobre 2014 au sortir d'une énième saison de galère pour ce comté plus célèbre pour ses maillots bariolés que pour ses exploits footbalistiques.



Ce fou amoureux de son comté et passionné par la "petite reine", y a entrepris un travail herculéen de reconstruction, et d'abord sur le plan mental.   
Les premiers résultats significatifs interviennent en 2017. Carlow réussit son meilleur championship depuis des lustres, et se fait sortir sans démériter en quarts de finale du Leinster par Dublin, en étant au passage la seule équipe à ne pas encaisser de but face au futur vainqueur cette année là.   
En mars dernier, dans la foulée de cette saison prometteuse, Carlow assurait sa première montée en D3 de la League, et après deux victoires sur Louth et Kildare dans ce championship, voici les "mangeurs d'oignons " à un pas d'une première finale provinciale depuis 1944. Alors, Carlow...story de l'été?



Turlough, peux tu nous brosser ton CV GAA? 
 
Je suis né et j'ai grandi dans le comté de Carlow. La GAA a toujours occupé une part majeur de ma vie, j'ai toujours baigné là dedans. Mon grand père et mon père furent chacun des membres fondateurs du club d'Éire Óg GAA. Mon père Jim fut aussi le secrétaire général du comté pendant plus de dix ans.
J'étais toujours derrière lui, et j'ai grandi au milieu des matchs et des entraînements, c'est lui qui m'a transmis cet amour pour ce jeu et notre culture.
Je me suis toujours investi d'une façon ou d'une autre, et ce dès que j'ai eu un ballon entre les mains, que ce soit en tant que joueur, en tant qu'entraîneur ou bien membre du comité de Carlow.
Globalement, le football est quelque chose de capital dans ce pays, les clubs sont les centres de nos communautés, et ça représente beaucoup plus qu'un jeu, c'est une part majeur de notre identité.

Et en ce qui concerne plus précisément ta carrière de joueur et de manager?
 
En fait j'ai connu tout les échelons, que ce soit avec mon club d'Éire Óg ou bien en sélection de comté jusqu'en senior. Et puis est venu très tôt ce désir de coacher, ce qui fait qu'à mes débuts, j'avais à peu près l'âge des joueurs que j'entrainais.
J'adore ce rôle, je me suis toujours senti comme un poisson dans l'eau à ce poste là.
Et puis il y à quatre ans ça a été le grand saut avec ma prise de fonction à la tête de l'équipe senior de Carlow.

Tu es donc en poste depuis 2014, et on peut dire que par rapport à ce qui se passe ailleurs, le board t'as laissé travailler en paix. As tu malgré tout rencontré quelques difficultés avant de connaitre les premiers succès?

Quand j'ai été nommé manager, je me souviens qu'un collègue de travail m'a félicité d'avoir accepté de boire ce calice empoisonné...Mais je n'ai jamais vu les choses comme ça honnêtement. Pour moi c'était un honneur incroyable, et puis j'ai rapidement réalisé le potentiel de nos gars.

Mais la situation était vraiment compliqué à ton arrivée.

C'est vrai que le football à Carlow était vraiment au plus bas.
Arrivé au fond du trou, il fallait trouver l'énergie de mettre le coup de pied pour reprendre de l'air. Et pour mon premier match en tant que manager (en Allianz League le 01.02.2015), les choses ont bien tourné et on a été arracher un nul à Antrim, un déclic!

Je me souviens qu'en 2013-2014,.certains envisageaient sérieusement pour Carlow un destin à la Kilkenny à court terme (un abandon de toutes compétitions inter-comté en football et une concentration des efforts sur le hurling). Tu as serieusement craint ça à un moment?

Oui je me souviens, on disait que si je me plantais, nous n'aurions plus qu'à stopper au niveau senior et ne plus jouer au delà de la catégorie junior. Est ce que j'ai craint réellement pour l'avenir du football ici? Sincèrement non, j'ai surtout pensé que c'était une absurdité. Chaque comté possède des talents et doit savoir les exploiter. Nous n'étions pas différents.

Peut être pas seulement d'un point de vue tactique, mais au moins mentalement, penses tu qu'un homme seul peut initier un vrai changement ou se révéler comme un éveilleur de conscience dans un comté, comme c'est le cas à Carlow ces dernières années?

J'en suis convaincu. La plupart des clubs et des comtés sont en fait souvent dépendants d'un très petit nombre de personnes ayant une vision et une foi. Des gens qui se voient comme des vecteurs de changement. Un ou deux hommes à des postes clés peuvent s'avèrer décisifs, ne serait ce que dans l'évolution des mentalités, et là, la moitié du boulot est déjà fait.

Qu'en est-il de la philosophie de jeu d'un comté? Selon toi, doit-on faire évoluer toutes les formations de toutes classes d'âge sur le même modèle? un peu sur le principe du Barça en soccer.

Je ne penses pas non, selon moi la façon dont une équipe joue, et ce quelque soit la catégorie d'âge, est dictée par les différents profils de joueurs qui la composent, et l'équipe doit jouer en s'adaptant à ça. Je sais que certains adhèrent à ce que tu évoques mais moi je ne suis pas de cette école là.


"Carlow rising" , c'est presque devenu un slogan de ralliement dans le comté, le symbole d'un changement structurel. Tu sais d'où çà vient?


Du board. Qui en particulier? je ne sais pas, mais en tout cas ça résume bien ce qui se passe à Carlow depuis quelques années à tout les niveaux, et que ce soit pour le football ou le hurling.

Turlough, tu sembles être d'avantage qu'un manager. Quelque chose comme un représentant ou un promoteur de ton comté. Ce sentiment particulier, c'est une force motrice dans la façon dont tu envisages ton rôle de manager?

L'identité locale est primordiale dans la GAA. La fierté de représenter sa paroisse, son village ou son comté devrait toujours être une source de motivation majeure. Oui je suis fier de cet endroit sous tout ses aspects et je m'efforce d'en donner une image la plus belle possible chaque fois que je le peux, sur les terrains et en dehors.

La toute puissance de Dublin dans le pays, et en l'occurrence dans la province, est souvent perçue comme "étouffante" pour ces rivaux. En fin de compte, le Leinster tend à devenir la province la plus homogène derrière cette machine infernale. Penses tu que cela puisse être paradoxalement une opportunité dans votre tentative de reconstruction?


Les comtés du Leinster ont tous jeté l'éponge depuis un moment.
Ils ont adopté une attitude de résignation et presque de soumission, acceptant le fait que Dublin soit au-dessus et ce genre d'attitude pourri tout.
Bien sûr que Dublin est une énorme équipe, mais ils ne doivent en aucun cas être pensés comme invincibles, ou venant d'une autre planète,  hors c'est comme ça qu'ils sont vus ici (dans le Leinster).
Je crois que Carlow a montré l'an passé que c'était possible, nous sommes l'un des plus petits comtés du pays et l'un des moins peuplés, mais nous en avons surpris plus d'un par notre attitude et notre approche du match.
Les mentalités changent, je le crois. C'est génial de voire des comtés comme Laois, Longford ou Carlow prendre la main cette année. Çà ne relève pas que de la méthode coué, mais le fossé peut être comblé, j'en suis persuadé.



Venons en à un sujet qui te tiens à coeur, ta passion pour le vélo. Tu as eu l'occasion de rouler sur les routes de France?

J'adore rouler sur les routes du Carlow évidemment, mais j'avoue que la France est un pays d'élection pour tout les passionnés de vélo!  J'ai vécu des moments fabuleux là bas!
En 2010, j'ai fait la Via Francigena avec mon fils Ronan. C'est une ancienne route de pèlerinage entre Canterbury et Rome. On est passés par Calais - Arras - Peronne - Laon - Reims - Brienne Le Chateau - Langres - Besancon - Pontarlier puis par la Suisse et le passage de St Bernard vers l'Italie. C'est un trajet assez exceptionnel, parce qu'une grande partie de cette route se fait "hors des sentiers battus" par d'anciennes voies romaines.
J'ai aussi eu l'occasion de rouler dans la région de Lyon, en Bourgogne autour de Cluny ou encore par le "Camino Frances" qui emprunte une partie du chemin de St.Jacques de Compostelle depuis St Jean Pied de Port.

Et un endroit t'as plus spécialement marqué?

Lyon est sûrement l'une des villes les plus belles et les plus intéressantes que j'ai jamais visitées.  J'ai adoré découvrir son histoire, me balader dans les Traboules ou à Fourvière.
Il y à pas mal de belles routes à faire en vélo dans le coin aussi, et puis la cuisine...
J'ai aussi beaucoup aimé les Pyrénées dans un autre registre.

En passionné du cyclisme, tu as bien dû assister à une étape du tour de France.
 
Oui...mais seulement lors de son passage en Irlande il y à vingt ans.

Le phénomène est relativement récent au regard de l'histoire de la GAA, mais un peu devant l'Espagne, la France est le pays d'Europe continentale qui compte le plus de clubs, et avec un pourcentage de pratiquants locaux ou non-irlandais très élevé. La GAA peut-elle faire plus pour le développement de ces clubs d'un nouveau genre, hors d'Irlande?


Elle devrait! Ça ne pourrait être que positif d'entretenir plus de liens (de jumelage) entre clubs irlandais et européens. En favorisant et peut être en finançant pour partie des programmes d'échanges via des fonds européens. Les coaches irlandais pouvant ainsi aider directement leurs homologues français.

On va finir avec un petit conseil touristique. Quels endroits du Carlow conseillerais tu aux français qui séjournent en Irlande?

Je dirais le village de Borris, au pied des monts du Leinster et des Blackstairs mountains. Clonegal au sud des monts du Wicklow ou encore l'ancien site de St.Mullins qui est un point de depart pour de superbes ballades en bateau sur la river Barrow.

Sur la route de Borris, près de St.Mullins.


Un immense merci à Turlough pour sa disponibilité et sa gentillesse au nom de tout les fans français de football gaélique et bonne chance pour la suite de la saison avec Carlow.


Ci dessous, le site perso de Turlough O Brien consacré à ses pérégrinations au gré des routes du comté.
http://www.rotharroutes.com/

* la petite note culturelle:
le célèbre moine St.Colomban n'est pas le patron des cyclistes mais celui des motards. En revanche, il est bien originaire du comté de Carlow et fonda nombre d'abbayes entre l'Irlande et l'Italie où il mourut en 615 a.d, dont celles de Besançon, Luxeuil et Anagry.



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